lundi 12 décembre 2016

Entre passion et besoin de partager, l'économie des crevards a trouvé sa source


Je continue mon petit tour de l'économie des crevards dont une des origines est issue de l'économie digitale. Elle fait appel aux mêmes ressorts : passion, enthousiasme, envie de partager.... 


Tout commence simplement. Ce jour-là, j'achète de la musique sur iTunes, oui, j'achète plutôt que télécharger gratuitement et mon abonnement à un service de streaming est payant également; parce qu'on ne peut pas s'insurger contre l'économie des crevards et faire la même chose avec des artistes qui ont eu aussi besoin de bouffer. Donc, je reviens à mon achat. L'album est une excellente surprise et suscite chez moi un enthousiasme certain que je désire partager immédiatement, me voilà donc à évaluer mon niveau de satisfaction par un système d'étoiles et le clamer à la face du monde, qui au fond doit s'en foutre totalement... Mais pas autant que ça, un disque qui cumule les cinq étoiles aura plus de chance d'attirer mon intérêt que ceux qui n'en totalisent qu'une ou deux. Alors, je mets mes cinq étoiles et là, iTunes me propose de déposer un avis. Mon enthousiasme n'a pas faibli et je décide de perdre quelques précieuses minutes à rédiger un avis que j'espère pertinent, intéressant et communicatif. Je me sens pousser des ailes de critique de disque, forcément positif. Et là, doucement, j'ai mis le doigt dans l'engrenage. Je vérifie que mon avis a bien été enregistré, qu'il figure en bonne place et qu'il est jugé pertinent par les utilisateurs d'iTunes. Eh oui, l'apprenti juge que je suis est lui même jugé... La compétition est partout. Je suis devenu un gentil contributeur bénévole sur iTunes et par la même occasion, je me retrouve à travailler (un petit peu) gracieusement pour de grandes maisons de disques. Vous voyez où je veux en venir?

On appelle ça l'expérience consommateur 


Retour à mes expériences, j'achète sur Amazon (c'est à l'époque bénie où je ne faisais pas encore partie de l'économie des crevards), une enceinte mobile pour écouter ma musique achetée légalement. Le produit arrive et correspond parfaitement à mes attentes. Vingt-quatre heures plus tard, Amazon m'envoie un mail pour me demander si je suis satisfait. Bien sûr que je le suis! Je note donc le produit, les sacro-saintes petites étoiles... Et puis là aussi, on me demande si je ne voudrais pas laisser un avis. Bon prince, je m'exécute. Je rédige un avis, que je veux pertinent et utile. Quelque temps plus tard, je reçois un mail d'Amazon qui me demande si je veux répondre à la question de ce client potentiel qui hésite sur le choix de cette enceinte... Je me plie donc à cet exercice et réponds du mieux possible à la question. Une semaine plus tard, nouveau mail, nouvelle question d'un nouvel acheteur potentiel... Je fournis l'explication attendue. Et ce petit jeu continue ainsi pendant trois autres mails... Jusqu'à ce que j'en reçoive un, cette fois-ci, de la marque de l'enceinte qui me demande si j'aurais l'obligeance de déposer directement un avis sur son propre site. Je ne sais combien de temps j'ai consacré à promouvoir ce produit, mais ce que je sais, c'est que tout cela ressemble fortement à du travail et que ça n'est pas rémunéré. Une fois de plus, on a fait appel à mon enthousiasme et mon désir de partager. Peut-être devrais-je m'inscrire dans une "ferme à click", au moins, je serais payé... très mal, j'en conviens. Tiens, parlons-en des like, ce sera mon prochain sujet.

mercredi 7 décembre 2016

Le jour où j'ai croisé l'économie des crevards



Je vous avais quitté, il y a quelques temps, sur ma dure condition d'écrivain en devenir. Je vous retrouve dans ma nouvelle condition du "retour du pro de la com", pas tellement facile non plus.

Soyons clairs, l'écrivain en devenir n'a pas reçu beaucoup d'échos... Le bon sens, ou la catastrophe annoncée m'ont obligé à revoir ma copie et ma reconversion. La leçon à retenir : on ne devient pas écrivain comme ça, du jour au lendemain. Personne ne vous attend et encore moins les éditeurs. Aucune rancoeur, juste un constat. 


Alors je me suis remis au travail, le seul que je sais à peu près faire, proposer mes services de professionnel de la communication. Je me suis rappelé au bon souvenir de quelques clients potentiels, ai fait mon site (merci à Franco pour son aide précieuse) et réactivé mon réseau. Que du classique me direz-vous. 


Ce qui est nouveau et ce que j'avais envie de partager avec vous, c'est le changement, imperceptible au premier coup d'oeil, du petit monde des freelances de la communication. J'avais lâché un monde de clients exigeants qui en voulaient toujours plus pour beaucoup moins. "C'est la crise, les temps sont durs, alors tu comprends..." refrain connu, mais bon, avec un peu de bonne volonté, un peu de souplesse commerciale, on s'en sortait. Je m'en sortais. La crise était passée par là, mais elle n'expliquait pas tout. On restait sur un principe classique, un client, un fournisseur et chacun défend ses intérêts dans l'intérêt commun. 


Mon penchant pour les sujets engagés et sociaux m'a fait aller vers les problématiques sociales et sociétales dans l'univers merveilleux des relations humaines professionnelles. L'engagement ça me connait, mes thèmes de prédilection tournent autour de la parité homme femme, du handicap, de la diversité, de la responsabilité sociale des entreprises et je viens de me plonger à corps perdu dans celui du bien-être et la qualité de vie au travail. Les mécanismes du burn out, du management toxique n'ont plus de secret pour moi. Ça tombe rudement bien, ça m'intéresse. Et puis, sans crier gare, c'est là où je voulais en venir, je suis tombé dans ce que j'appelle "l'économie des crevards".



Qu'est-ce que "l'économie des crevards"? 



Ce n'est pas très nouveau, cela s'appuie sur la bonne vieille recette de l'exploitation de l'homme par l'homme. Mais de façon très pernicieuse, car totalement consentante. Ça commence doucement, par le bon côté de la chose. Votre esprit d'engagement, votre passion pour les causes sociétales, votre vision utopique des grandes mutations, un optimisme sans faille, et enfin, pour couronner le tout une plume prolixe et le sens de la communication. Donc, rien de plus logique que de se tourner vers tous ces nouveaux acteurs de la pensée, Cercle de... Fabrique à... Observatoire des... et Think Tank de la... Des noms évocateurs d'engagement, de combats justes et d'intelligence collective au service de la bonne cause. Nous ne sommes pas loin de "à plusieurs on est plus fort" et "unissons nos talents"... 


Alors, on s'approche, ça fleure bon la belle aventure, l'espoir renait : gagner sa vie en étant utile et en accord avec ses idées. Les premiers contacts sont bons, l'enthousiasme est communicatif, l'avenir s'annonce radieux. Puis, après quelques échanges de mails au tutoiement de rigueur, arrive la question qui vous brule le clavier (à défaut des lèvres...eh oui, dans l'économie des crevards on utilise peu le téléphone, mais surtout Skype et les mails... on est moderne et peu joignable) "tu paies combien pour tout ça, la mise à jour du site, les 4 articles mensuels et la veille quotidienne d'informations?". S'en suit un silence de mails et de skype de plusieurs heures voire de jours. Enfin la réponse tombe, vous imaginez qu'il a fallu un peu de temps à votre interlocuteur pour vous débloquer le budget, car vous êtes dans la vieille économie : toute peine mérite salaire. Et là, vous ouvrez le mail, on y parle de passion, de juste cause, d'engagement, de plaisir, de réseau, de fierté, d'aventure sociale... mais pas d'argent! Peur de ne pas avoir été assez clair, vous réitérez votre question sur le tarif. La seconde réponse lunaire arrive, on y parle de bénévolat, de contributeur désintéressé, de membre amical, d'ambassadeur, d'esprit associatif, de solidarité, de "pour le moment, on se consacre aux enjeux, l'argent viendra après", le plaisir d'échanger... et là je ne réponds plus.


Putain! Comment je bouffe? Tu crois que ma quittance d'électricité, elle est bénévole? Tu crois que le plein de ma bagnole, c'est de l'entreprenariat solidaire? Dis moi, Cercle de... Fabrique à... Observatoire des... et Think Tank de la... tu les vends tes études! Rappelle-moi, toute cette matière gratuite, tu en fais tes sujets de conférences et de tes tables rondes payantes. 


Voilà en résumé ce que c'est que l'économie des crevards. Des gens talentueux, passionnés (je ne parle pas spécialement de moi...) diplômés, à la tête bien faite, qui bossent gratuitement en y mettant tout leur coeur et leurs convictions pour des organisations aux financements obscurs qui exploitent leur intelligence et leur enthousiasme en leur faisant miroiter une reconnaissance hypothétique. Sans doute ai-je manqué une étape, une mutation m'a échappé ou mon estomac est devenu trop exigeant ne pouvant se satisfaire uniquement d'amour et d'eau fraiche. 

jeudi 7 avril 2016

Le polar rural - partie 1


Je me penche en ce moment sur le phénomène du polar rural, genre très tendance. J’en lis deux en même temps :  Rural Noir de Benoit Minville et Jusqu’à ce que la mort nous unisse de Karine Giebel. Deux bons romans au demeurant. Probablement que mon mode de vie a dû avoir une incidence sur mes choix de lecture. N’est-il pas courant d’encenser les polars qui choisissent pour cadre l’Amérique profonde? Stephen King en a fait son fond de commerce préféré, je ne vois pas pourquoi nos campagnes ne seraient pas propices elles aussi à de magnifiques ambiances.

Il y a matière à de belles intrigues, j’observe, j’écoute, je sens. Je fais l’ex-parisien, mais reconnaissons que les activités locales sont assez réduites. Pas trop de lieux branchés, d’expositions en avant-première, de boutiques improbables et d’épiceries bio. Quand un village arrive à garder son bar tabac, c’est une chance, le reste est inexorablement aspiré par les grandes zones commerciales aux abords des agglomérations. Alors que reste-t-il?  C’est là que la matière à polar prend toute son inspiration.

Un droit de servitude peut ainsi devenir un enjeu mortel, une battue aux sangliers, un moment de tension impalpable. La dénonciation rode, toujours prête à surgir au moindre doute sur un permis de construire suspect. La jalousie n’est jamais loin, une piscine qui surgit derrière un brise-vue à la veille des beaux jours, est-elle bien réglementaire? Un puit détourné ou un cours d’eau devenant canal d’irrigation pour un fermier indélicat qui a oublié de demander l’autorisation peut ainsi devenir un sujet de rancoeur impitoyable. L’ennui est récurant, espionner ses voisins devient l’attrait principal. Etre à l’affût des histoires de familles, des malheurs des uns, du bonheur forcément un peu irritant des autres nourrit les conversations et les hypothèses. Le tout dans un décor souvent superbe, un joli paysage provençal, une région boisée, une étendue sauvage ou bien une belle campagne avec champs à perte de vue, sans parler des parcs naturels. L’unique café du village regorge de murmures et de non-dits, le quatre-quatre avec les chiens de chasse n’est pas loin. A l’horizon, les chevaux dans leurs prés attisent les regards, comme ces moutons qui paissent entre les vignes. Le loup et ses légendes sont forcément de la partie, un coup de fusil part vite. Eh oui, car ici, tout le monde ou presque, est armé, le sang est chaud, les regards mauvais. Pas besoin d’être boulevard de Barbès pour croiser des mines patibulaires. La banlieue fait peur avec sa fureur, tandis que la campagne se cache derrière ses silences inquiétants.

Je me dis qu’il y a matière à imaginer un bon thriller, rien qu’au bas de la colline où j’habite. Paysage idyllique, l’odeur du thym sauvage, les merles qui se répondent au coucher du soleil, la cloche du village… et puis ce cabanon abandonné, cette caravane qui n’était pas là hier… Et la presse locale qui regorge de petits meurtres, d’accidents mystérieux, d’animaux égorgés, de règlements de compte familiaux ou entre voisins. Je vous le dis, inutile d’aller loin, le thriller rural est à deux pas de chez nous.


Sur la route de Gonfaron en février 2016

vendredi 1 avril 2016

Une nouvelle version

Sans bien connaître toutes les arcanes de l'auto-publication, et faute d'avoir trouvé un éditeur prêt à se pencher sur le berceau de mon manuscrit, je m'étais dirigé vers l'incontournable Amazon pour publier mon premier roman. Cette plateforme en ligne me semblait être la plus fréquentée, à défaut d'être la meilleure. 

Après quelques semaines d'observation, je n'ai pu que constater le peu de visites et de téléchargements. J'ai donc mené ma "petite enquête" pour mieux comprendre les freins éventuels qui pouvaient empêcher une plus large diffusion.

D'un naturel optimiste, j'ai naturellement écarté la possibilité que mon livre n'intéresse personne, je ne suis pas un adepte de l'autoflagellation. Les échos positifs des quelques personnes qui avaient lu le manuscrit en avant-première, m'ont donné le courage de persévérer.

J'ai donc choisi aujourd'hui d'ouvrir la publication du livre sur la plateforme de Librinova.

Certes, il y a un coût d'entrée non négligeable au regard de mes maigres finances, mais la prestation est de bonne qualité. Librinova bénéficie d'une bonne réputation, et surtout, elle offre pour ceux qui achètent le livre de pouvoir choisir le format de téléchargement. En effet, même si je suis un adepte de la liseuse Kindle, que je trouve agréable pour lire, le format adopté est assez fermé et ne fait pas l'unanimité, en tout cas pas dans mon réseau immédiat.

J'ai aussi pu remarquer que la maîtrise de la mise en page sur le support Kindle se montrait complexe et aléatoire... sans parler du téléchargement des pages gratuites de bien mauvaise qualité. Autant de raisons qui pouvaient paraître un frein éventuel à la lecture.

Le choix de Librinova sur le conseil d'un éditeur m'a donc semblé plus judicieux, j'ai pu ainsi ajouter un prologue et un sommaire, ce qui n'avait pas été possible dans la version antérieure.

Enfin, et là je peux rêver, Librinova peut accompagner un auteur vers la publication papier, l'eldorado de tout écrivain. Pour ce faire, la route est naturellement longue, il faut totaliser mille téléchargements, pour cela je compte sur le bouche à oreille. Je vous le répète je suis d'un naturel optimiste.

Bonne lecture à tous

 http://www.librinova.com/shop/nicolas-schlaffmann/une-encombrante-maitresse



mercredi 30 mars 2016

L'importance des personnages

Depuis un an, je suis sur mon nouveau manuscrit, ma fidèle relectrice vous le confirmera. Une quête identitaire, un jeu de miroirs entre père et fils. A quarante ans d'intervalle.

Ne cherchez rien d'autobiographique, c'est ça la magie de l'écriture, se cacher derrière des mots et des histoires inventées de toute pièce, dans un jeu de cache cache permanent.

Le vrai se fond dans les détails, le faux partout ailleurs. Un peu comme mon premier roman qui a dû en déconcerter plus d'un. Surtout ceux qui me connaissent. Cherchant sans doute derrière cette histoire, où j’avais pu me nicher. Heureusement, je n'étais  nulle part!

C'est sans doute ça qui m'a permis de le terminer, contrairement aux deux premiers manuscrits probablement trop personnels. C'est la grande erreur de vouloir parler de soi. Mieux vaut s'exprimer à travers des fictions dans lesquelles, on se glisse subrepticement. C’est aussi ça la magie de l’écriture. Jongler avec un univers de contraintes, répondre à un cahier des charges et semer par moment des petits indices personnels.

Pour en revenir à ce nouveau manuscrit, aujourd’hui il ne me reste plus que deux ou trois chapitres à écrire pour le clore. Et comme si cela ne suffisait pas, me voilà pris d’une frénésie insoupçonnable, je rajoute des chapitres pour compléter des parties déjà rédigées… Tenir un manuscrit sur plus d’un an, c’est une curieuse aventure, on y retrouve ses humeurs et le temps qu’il faisait, on se souvient de l’endroit où l’on était pour écrire telle ou telle scène, et puis c’est une formidable aventure qu’on n’a pas forcément envie de quitter. On s’attache aux personnages, on leur donne vie et corps. Certains deviennent plus importants parce qu’ils sont tout à coup, malgré vous, devenus sympathiques et familiers, tandis que d’autres à qui on avait réservé un rôle de choix, n’arrivent pas à décoller et se retrouvent privés d’action. Il est arrivé ainsi à un personnage central à qui j’imaginais faire porter une grande partie du récit, de disparaitre, j’avais beau essayé de le faire venir, je n’ai pas réussi à m’attacher à lui, il est devenu sans que je m’en rende compte, un personnage de second plan, alors que je le promettais à une grande destinée.

Ainsi sans perdre le fil de la trame narrative que je me suis fixé, un semblant de rigueur oblige, je suis venu à la rencontre de mes personnages, leur donnant à chacun une mission. Ils portent le récit, contribuent à l’intrigue, partent et reviennent. C’est pourquoi, dans ce nouveau roman, les différents acteurs prennent plus d’importance que l’histoire. Ce désir m’est venu en lisant le remarquable livre de Céleste Ng - Tout ce qu’on ne s’est jamais dit, que je chroniquerai prochainement, mais que je vous conseille dès maintenant.

Rendre les personnages crédibles pour qu’ils paraissent plus humains, qu’on puisse s’identifier à eux. Au fond, le but est de les rendre plus intéressants que l’histoire elle-même. C’est à mon avis l’exploit que Céleste Ng a accompli et auquel j’espère également parvenir, même si je suis loin d’avoir le talent de cette auteure.



vendredi 25 mars 2016

La fille du train de Paula Hawkins

L'idée aussi est de partager mes coups de cœur, en effet écrire, c'est aussi beaucoup lire.

Au rythme de deux livres par semaine, il m'arrive d'avoir des moments d'enthousiasme et parfois de véritables déceptions, mais dans tous les cas je n'oublie pas que derrière chaque livre, il y a un auteur et pas mal de travail. Ce qui explique pourquoi vous retrouverez uniquement des coups de coeur et pas de coups de gueule réels.

Mon premier coup de coeur est pour un thriller psychologique : La fille du train de Paula Hawkins. Pas mal de gens en ont déjà parlé, mais si je souhaite aujourd’hui vous le conseiller, c’est qu’il dénote dans la production littéraire actuelle.

Je vous en livre un résumé rapide.

Depuis la banlieue où elle habite, Rachel prend le train deux fois par jour pour aller à Londres. Le 8 h 04 le matin, le 17 h 56 l’après-midi. Chaque jour, elle est assise à la même place et chaque jour, elle observe, lors d’un arrêt, une jolie maison en contrebas de la voie ferrée. Cette maison, elle la connaît par cœur, elle a même donné un nom à ses occupants qu’elle voit derrière la vitre. Pour elle, ils sont Jason et Jess. Un couple qu’elle imagine parfait, heureux comme Rachel a pu l’être par le passé avec son mari, avant qu’il ne la trompe, avant qu’il ne la quitte. Rien d’exceptionnel, non, juste un couple qui s’aime. Jusqu’à ce matin où Rachel voit un autre homme que Jason à la fenêtre. Que se passe-t-il ? Jess tromperait-elle son mari ? Rachel, bouleversée de voir ainsi son couple modèle risquer de se désintégrer comme le sien, décide d’en savoir plus sur Jess et Jason. Quelques jours plus tard, c’est avec stupeur qu’elle découvre la photo de Jess à la une des journaux. La jeune femme, de son vrai nom Megan Hipwell, a mystérieusement disparu…


Le résumé n’est pas des plus parlant, j’en conviens, mais ne vous arrêtez pas en si bon chemin. Pour moi, la force principale de ce roman réside dans ses personnages. On est loin des héros parfaits, des flics maudits, mais formidablement intelligents et robustes, encore plus loin des femmes jolies comme des coeurs aussi belles qu’intelligentes, autant de personnages qui vivent sans aucun souci matériel, voués corps et âme à leurs enquêtes et prêts à laisser famille et enfants, pour courir aux quatre coins de la planète combattre le mal.

Les personnages de Paula Hawkins sont loin d’être parfaits. Ils sont même horripilants de normalité. Le personnage central, Rachel est faible, agaçante et pleurnicheuse. Tout au long du livre, elle oscille entre sautes d’humeur et culpabilité, elle se laisse aller, et on aimerait la secouer. L’antihéroïne par excellence, à se demander comment elle va pouvoir porter l’histoire sur ses frêles épaules tout au long du roman. Les personnages féminins qu’elle croise ne sont guère mieux, et rien ne vous sera épargné en la matière. Les hommes ne sont guère mieux lotis, même s'ils semblent tous avoir des physiques avantageux, leurs personnalités sont désastreuses, ils sont faibles, menteurs, veules, violents parfois… Bref, cette galerie de personnages, assez réduite, a tout pour vous agacer, et c’est là que la magie de Paula Hawkins opère. On s’attache à ces personnalités, on essaie de les comprendre, de les soutenir. Combien de fois tout au long du livre, je me suis inquiété pour la pauvre Rachel. Non pas comme on s’inquiète du héros en mauvaise posture, prisonnier d’un serial killer sanguinaire, mais comme on s’inquiète pour une cousine ou une voisine que l’on sent un peu à la dérive.

J’ai apprécié cette économie de lieux et de moyens, cet univers banlieusard qui pourrait rebuter, mais auquel on s’attache ; ce soin pour les détails familiers.

Et l’intrigue dans tout ça? Un savant dosage qui monte en puissance au fil des pages, on passe de l’incident presque banal, à l’accident irréversible sans s’en rendre vraiment compte.

On se laisse porter par le rythme de l’histoire, et ce parti pris de découpage par personnage s’avère plutôt malin et très efficace, passant de l’un à l’autre au fil des chapitres, on a bien une petite idée de où cela va nous mener, mais l’auteur laisse suffisamment de doutes et d’ambiguïtés pour que l’on reste scotché jusqu’au dernier chapitre.

Un roman très attachant, qui ne vous laissera certainement pas indifférents.



jeudi 24 mars 2016

La genèse

Je ne me suis posé aucune question en écrivant Une maitresse encombrante. Echaudé par mes deux précédentes tentatives, plus ou moins autobiographiques, je souhaitais écrire juste un petit thriller psychologique, en me détachant le plus possible de mon quotidien et de mon univers.

Comme toute aventure, cela généra une série de rencontres plutôt sympathiques. La preuve, les deux principaux contributeurs qui m’ont le plus aidé sont devenus de vrais amis.

Il y a d’abord Claudia, que j’ai rencontrée sur les réseaux sociaux et qui s’est montrée d’une aide précieuse dans la création du personnage principal. Elle m’a fourni les éléments essentiels, cette ambiguïté sulfureuse qui manquait. Ses souvenirs d’enfance m’ont permis de donner du corps à la personnalité troublée de Dominique. Au fil de nos échanges, nous nous sommes découverts des passions musicales communes qui bientôt prirent le pas sur les descriptions vestimentaires et les émotions de mon personnage principal. Claudia m’avait apporté des anecdotes précieuses, et je la remercie pour son aide qui m’a permis de donner un peu de crédibilité à mon héroïne.

La seconde personne tout aussi importante, voir même plus, c’est Théonie, une amie qui s’est avérée une remarquable relectrice. Elle a fait un travail énorme et continue d’ailleurs à m’accompagner sur mon prochain roman. Son rôle va bien au-delà d’une simple relecture. Je me sens très redevable de tout le travail qu’elle fournit. Et je suis très heureux de la confiance qui a pu s’établir entre nous au fil de nos échanges. J’apprécie son regard parfois critique, ses remarques toujours pertinentes et son sens rigoureux du détail. Aujourd’hui, elle est devenue indispensable dans mon travail d’écriture.

Il fallait bien un premier roman. Et  Une maitresse encombrante remplit ce rôle parfaitement. Il a les défauts de sa jeunesse. Heureusement, il n’a aucune prétention et c’est ce qui peut le rendre facile à lire. Ni théorie ni message caché. C’est un livre suffisamment ambigu et libre pour ne pas m’en rendre prisonnier.

Les retours que j’en ai eu des personnes qui ont bien voulu le lire et me répondre, sont plutôt encourageants. Leurs remarques m’ont permis de persévérer et de pas douter. Je me suis ainsi souvenu de ma jeunesse quand je sortais plein d’espoirs de l’Ecole des Beaux Arts et que je me suis lancé  à corps perdu dans la peinture,  peignant nuit et jour de grandes toiles, habité d’une énergie que j’aurais bien aimé conserver tout au long de ces années. J’ai retrouvé dans le besoin d’écrire la même urgence et la même inquiétude face aux regards des autres, auxquels il faut forcement se confronter, c’est le but et l’objectif.

Dire que je me sens aussi fébrile qu’à l’époque où j’avais vingt ans serait exagéré, mais les doutes et les questions sont les mêmes. Heureusement, ces trente années passées en agences de communication m’ont servi, je suis mieux armé pour affronter les critiques constructives et suis capable de me remettre en question quand c’est justifié.

" Ce n'est pas la force, mais la persévérance, qui fait les grandes oeuvres ."

Samuel Johnson



Loin de moi la prétention d’avoir écrit une grande oeuvre, mais la notion de persévérance me semble très juste.                                    

C’est ainsi que sur les conseils de Théonie, j'ai pu revoir en profondeur la première version du manuscrit Une maitresse encombrante. C’est grâce à elle, et avec un certain entrain je me suis replongé dans les aventures dramatiques de Dom et Dominique, coupant, rajoutant, complétant et réorganisant  ce qui pouvait paraitre maladroit ou confus.

Le résultat n’est pas parfait, rien n’est jamais parfait surtout en création.