lundi 12 décembre 2016

Entre passion et besoin de partager, l'économie des crevards a trouvé sa source


Je continue mon petit tour de l'économie des crevards dont une des origines est issue de l'économie digitale. Elle fait appel aux mêmes ressorts : passion, enthousiasme, envie de partager.... 


Tout commence simplement. Ce jour-là, j'achète de la musique sur iTunes, oui, j'achète plutôt que télécharger gratuitement et mon abonnement à un service de streaming est payant également; parce qu'on ne peut pas s'insurger contre l'économie des crevards et faire la même chose avec des artistes qui ont eu aussi besoin de bouffer. Donc, je reviens à mon achat. L'album est une excellente surprise et suscite chez moi un enthousiasme certain que je désire partager immédiatement, me voilà donc à évaluer mon niveau de satisfaction par un système d'étoiles et le clamer à la face du monde, qui au fond doit s'en foutre totalement... Mais pas autant que ça, un disque qui cumule les cinq étoiles aura plus de chance d'attirer mon intérêt que ceux qui n'en totalisent qu'une ou deux. Alors, je mets mes cinq étoiles et là, iTunes me propose de déposer un avis. Mon enthousiasme n'a pas faibli et je décide de perdre quelques précieuses minutes à rédiger un avis que j'espère pertinent, intéressant et communicatif. Je me sens pousser des ailes de critique de disque, forcément positif. Et là, doucement, j'ai mis le doigt dans l'engrenage. Je vérifie que mon avis a bien été enregistré, qu'il figure en bonne place et qu'il est jugé pertinent par les utilisateurs d'iTunes. Eh oui, l'apprenti juge que je suis est lui même jugé... La compétition est partout. Je suis devenu un gentil contributeur bénévole sur iTunes et par la même occasion, je me retrouve à travailler (un petit peu) gracieusement pour de grandes maisons de disques. Vous voyez où je veux en venir?

On appelle ça l'expérience consommateur 


Retour à mes expériences, j'achète sur Amazon (c'est à l'époque bénie où je ne faisais pas encore partie de l'économie des crevards), une enceinte mobile pour écouter ma musique achetée légalement. Le produit arrive et correspond parfaitement à mes attentes. Vingt-quatre heures plus tard, Amazon m'envoie un mail pour me demander si je suis satisfait. Bien sûr que je le suis! Je note donc le produit, les sacro-saintes petites étoiles... Et puis là aussi, on me demande si je ne voudrais pas laisser un avis. Bon prince, je m'exécute. Je rédige un avis, que je veux pertinent et utile. Quelque temps plus tard, je reçois un mail d'Amazon qui me demande si je veux répondre à la question de ce client potentiel qui hésite sur le choix de cette enceinte... Je me plie donc à cet exercice et réponds du mieux possible à la question. Une semaine plus tard, nouveau mail, nouvelle question d'un nouvel acheteur potentiel... Je fournis l'explication attendue. Et ce petit jeu continue ainsi pendant trois autres mails... Jusqu'à ce que j'en reçoive un, cette fois-ci, de la marque de l'enceinte qui me demande si j'aurais l'obligeance de déposer directement un avis sur son propre site. Je ne sais combien de temps j'ai consacré à promouvoir ce produit, mais ce que je sais, c'est que tout cela ressemble fortement à du travail et que ça n'est pas rémunéré. Une fois de plus, on a fait appel à mon enthousiasme et mon désir de partager. Peut-être devrais-je m'inscrire dans une "ferme à click", au moins, je serais payé... très mal, j'en conviens. Tiens, parlons-en des like, ce sera mon prochain sujet.

mercredi 7 décembre 2016

Le jour où j'ai croisé l'économie des crevards



Je vous avais quitté, il y a quelques temps, sur ma dure condition d'écrivain en devenir. Je vous retrouve dans ma nouvelle condition du "retour du pro de la com", pas tellement facile non plus.

Soyons clairs, l'écrivain en devenir n'a pas reçu beaucoup d'échos... Le bon sens, ou la catastrophe annoncée m'ont obligé à revoir ma copie et ma reconversion. La leçon à retenir : on ne devient pas écrivain comme ça, du jour au lendemain. Personne ne vous attend et encore moins les éditeurs. Aucune rancoeur, juste un constat. 


Alors je me suis remis au travail, le seul que je sais à peu près faire, proposer mes services de professionnel de la communication. Je me suis rappelé au bon souvenir de quelques clients potentiels, ai fait mon site (merci à Franco pour son aide précieuse) et réactivé mon réseau. Que du classique me direz-vous. 


Ce qui est nouveau et ce que j'avais envie de partager avec vous, c'est le changement, imperceptible au premier coup d'oeil, du petit monde des freelances de la communication. J'avais lâché un monde de clients exigeants qui en voulaient toujours plus pour beaucoup moins. "C'est la crise, les temps sont durs, alors tu comprends..." refrain connu, mais bon, avec un peu de bonne volonté, un peu de souplesse commerciale, on s'en sortait. Je m'en sortais. La crise était passée par là, mais elle n'expliquait pas tout. On restait sur un principe classique, un client, un fournisseur et chacun défend ses intérêts dans l'intérêt commun. 


Mon penchant pour les sujets engagés et sociaux m'a fait aller vers les problématiques sociales et sociétales dans l'univers merveilleux des relations humaines professionnelles. L'engagement ça me connait, mes thèmes de prédilection tournent autour de la parité homme femme, du handicap, de la diversité, de la responsabilité sociale des entreprises et je viens de me plonger à corps perdu dans celui du bien-être et la qualité de vie au travail. Les mécanismes du burn out, du management toxique n'ont plus de secret pour moi. Ça tombe rudement bien, ça m'intéresse. Et puis, sans crier gare, c'est là où je voulais en venir, je suis tombé dans ce que j'appelle "l'économie des crevards".



Qu'est-ce que "l'économie des crevards"? 



Ce n'est pas très nouveau, cela s'appuie sur la bonne vieille recette de l'exploitation de l'homme par l'homme. Mais de façon très pernicieuse, car totalement consentante. Ça commence doucement, par le bon côté de la chose. Votre esprit d'engagement, votre passion pour les causes sociétales, votre vision utopique des grandes mutations, un optimisme sans faille, et enfin, pour couronner le tout une plume prolixe et le sens de la communication. Donc, rien de plus logique que de se tourner vers tous ces nouveaux acteurs de la pensée, Cercle de... Fabrique à... Observatoire des... et Think Tank de la... Des noms évocateurs d'engagement, de combats justes et d'intelligence collective au service de la bonne cause. Nous ne sommes pas loin de "à plusieurs on est plus fort" et "unissons nos talents"... 


Alors, on s'approche, ça fleure bon la belle aventure, l'espoir renait : gagner sa vie en étant utile et en accord avec ses idées. Les premiers contacts sont bons, l'enthousiasme est communicatif, l'avenir s'annonce radieux. Puis, après quelques échanges de mails au tutoiement de rigueur, arrive la question qui vous brule le clavier (à défaut des lèvres...eh oui, dans l'économie des crevards on utilise peu le téléphone, mais surtout Skype et les mails... on est moderne et peu joignable) "tu paies combien pour tout ça, la mise à jour du site, les 4 articles mensuels et la veille quotidienne d'informations?". S'en suit un silence de mails et de skype de plusieurs heures voire de jours. Enfin la réponse tombe, vous imaginez qu'il a fallu un peu de temps à votre interlocuteur pour vous débloquer le budget, car vous êtes dans la vieille économie : toute peine mérite salaire. Et là, vous ouvrez le mail, on y parle de passion, de juste cause, d'engagement, de plaisir, de réseau, de fierté, d'aventure sociale... mais pas d'argent! Peur de ne pas avoir été assez clair, vous réitérez votre question sur le tarif. La seconde réponse lunaire arrive, on y parle de bénévolat, de contributeur désintéressé, de membre amical, d'ambassadeur, d'esprit associatif, de solidarité, de "pour le moment, on se consacre aux enjeux, l'argent viendra après", le plaisir d'échanger... et là je ne réponds plus.


Putain! Comment je bouffe? Tu crois que ma quittance d'électricité, elle est bénévole? Tu crois que le plein de ma bagnole, c'est de l'entreprenariat solidaire? Dis moi, Cercle de... Fabrique à... Observatoire des... et Think Tank de la... tu les vends tes études! Rappelle-moi, toute cette matière gratuite, tu en fais tes sujets de conférences et de tes tables rondes payantes. 


Voilà en résumé ce que c'est que l'économie des crevards. Des gens talentueux, passionnés (je ne parle pas spécialement de moi...) diplômés, à la tête bien faite, qui bossent gratuitement en y mettant tout leur coeur et leurs convictions pour des organisations aux financements obscurs qui exploitent leur intelligence et leur enthousiasme en leur faisant miroiter une reconnaissance hypothétique. Sans doute ai-je manqué une étape, une mutation m'a échappé ou mon estomac est devenu trop exigeant ne pouvant se satisfaire uniquement d'amour et d'eau fraiche.