jeudi 7 avril 2016

Le polar rural - partie 1


Je me penche en ce moment sur le phénomène du polar rural, genre très tendance. J’en lis deux en même temps :  Rural Noir de Benoit Minville et Jusqu’à ce que la mort nous unisse de Karine Giebel. Deux bons romans au demeurant. Probablement que mon mode de vie a dû avoir une incidence sur mes choix de lecture. N’est-il pas courant d’encenser les polars qui choisissent pour cadre l’Amérique profonde? Stephen King en a fait son fond de commerce préféré, je ne vois pas pourquoi nos campagnes ne seraient pas propices elles aussi à de magnifiques ambiances.

Il y a matière à de belles intrigues, j’observe, j’écoute, je sens. Je fais l’ex-parisien, mais reconnaissons que les activités locales sont assez réduites. Pas trop de lieux branchés, d’expositions en avant-première, de boutiques improbables et d’épiceries bio. Quand un village arrive à garder son bar tabac, c’est une chance, le reste est inexorablement aspiré par les grandes zones commerciales aux abords des agglomérations. Alors que reste-t-il?  C’est là que la matière à polar prend toute son inspiration.

Un droit de servitude peut ainsi devenir un enjeu mortel, une battue aux sangliers, un moment de tension impalpable. La dénonciation rode, toujours prête à surgir au moindre doute sur un permis de construire suspect. La jalousie n’est jamais loin, une piscine qui surgit derrière un brise-vue à la veille des beaux jours, est-elle bien réglementaire? Un puit détourné ou un cours d’eau devenant canal d’irrigation pour un fermier indélicat qui a oublié de demander l’autorisation peut ainsi devenir un sujet de rancoeur impitoyable. L’ennui est récurant, espionner ses voisins devient l’attrait principal. Etre à l’affût des histoires de familles, des malheurs des uns, du bonheur forcément un peu irritant des autres nourrit les conversations et les hypothèses. Le tout dans un décor souvent superbe, un joli paysage provençal, une région boisée, une étendue sauvage ou bien une belle campagne avec champs à perte de vue, sans parler des parcs naturels. L’unique café du village regorge de murmures et de non-dits, le quatre-quatre avec les chiens de chasse n’est pas loin. A l’horizon, les chevaux dans leurs prés attisent les regards, comme ces moutons qui paissent entre les vignes. Le loup et ses légendes sont forcément de la partie, un coup de fusil part vite. Eh oui, car ici, tout le monde ou presque, est armé, le sang est chaud, les regards mauvais. Pas besoin d’être boulevard de Barbès pour croiser des mines patibulaires. La banlieue fait peur avec sa fureur, tandis que la campagne se cache derrière ses silences inquiétants.

Je me dis qu’il y a matière à imaginer un bon thriller, rien qu’au bas de la colline où j’habite. Paysage idyllique, l’odeur du thym sauvage, les merles qui se répondent au coucher du soleil, la cloche du village… et puis ce cabanon abandonné, cette caravane qui n’était pas là hier… Et la presse locale qui regorge de petits meurtres, d’accidents mystérieux, d’animaux égorgés, de règlements de compte familiaux ou entre voisins. Je vous le dis, inutile d’aller loin, le thriller rural est à deux pas de chez nous.


Sur la route de Gonfaron en février 2016

1 commentaire:

  1. Dans le genre, Franck Bouysse est pas mal... J'ai lu Grossir le ciel pour le Prix des lecteurs du Livre de Poche. Sacrée ambiance, dans les Cévennes, et tout ça à partir de rien ou presque.

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